1850 en Nouvelle-Angleterre, dans une ferme flanquée de deux ormes gigantesques. Le vieil Ephraïm Cabot est parti vers l’Ouest depuis deux mois, et ses fils se disputent déjà sa succession. Leur déconvenue est vive lorsque le père revient, de surcroît marié à la belle Abbie Putnam. Cette présence féminine change la donne, excite les haines, éveille les passions; l’envie de posséder la ferme se confond peu à peu avec celle de posséder la femme.
D’emblée, ce qui frappe, c’est le langage des personnages. Un langage populaire, familier, empreint de patois irlando-américain. Mais il ne faut pas s’y méprendre: sous le masque du «super-naturalisme» (pour reprendre une formule de O’Neill lui-même), c’est une écriture chargée de mythes et de poésie que l’on découvre. À l’ombre des arbres qui enlacent la ferme comme pour mieux y faire circuler le désir, sous un ciel si beau qu’il semble pétrifier ceux qui le regardent, Désir sous les ormes nous entraîne bien au-delà du simple drame paysan.
En rompant avec tout ce qui s’y faisait auparavant – farces vulgaires, mélodrames, pièces moralisantes – Eugene O’Neill (1888-1953) a profondément bouleversé l’écriture dramatique aux États-Unis. En 1936, il reçoit le prix Nobel de littérature «pour la puissance, l’intégrité et la profondeur d’émotion d’une œuvre théâtrale incarnant une conception originale de la tragédie». Il est aujourd’hui considéré comme le père du théâtre américain.
Guy Pierre Couleau est comédien et metteur en scène. Depuis juillet 2008, il est également directeur de la Comédie de l’Est (Colmar), labellisée Centre dramatique national en 2013. Parmi ses dernières mises en scène, on peut citer: Hiver de Zinnie Harris (2010), Le Pont de pierres et la peau d’images de Daniel Danis (2011), Bluff de Enzo Cormann (2011) et Maître Puntila et son valet Matti de Bertolt Brecht (2012).