Deux frères que tout oppose : Karl et Franz. L’un est libre et rebelle, l’autre est un monstre calculateur, qui arrive à éloigner son aîné de l’amour du père et à l’arracher à la jeune Amalia. Karl alors se fait brigand, hors-la-loi pour reconquérir la justice et son amour ; mais est-ce vraiment un bon choix ? La troupe de comédiens endiablés menée par Éric Devanthéry s’empare du chef-d’œuvre de jeunesse de Schiller pour lui restituer son cri de révolte et toute son ambiguïté.
Pour le metteur en scène genevois – assistant d’Ostermeier à Berlin et germanophile passionné –, il s’agit de la première confrontation avec Schiller. Une rencontre longtemps mûrie : d’abord dans la traduction et l’adaptation du texte (qui parie sur les résonnances contemporaines de ce classique), ensuite dans un long compagnonnage avec les comédiens de sa troupe, qu’il a entraîné jusqu’à un théâtre abandonné au nord de l’Allemagne pour répéter Les Brigands. De cette expérience collective est né un spectacle-fleuve polyphonique, où les rôles sont pris en charge par plusieurs acteurs, où la parole circule pour mieux se perdre. Un décor en fausse perspective, traversé par la lumière, et des chansons mélancoliques plongent le spectateur dans une aventure à la fois romanesque et intellectuelle ; les idéaux des Lumières sont relus à travers le prisme du présent, en faisant pleinement confiance à l’énergie du plateau et à la passion dialectique du public. Une aventure du théâtre et de la pensée.
Pierre Lepori
