La Polonaise d'Oginski

C’est l’histoire d’un jars qui bat de l’aile dans un appartement communautaire de Moscou. Autour de l’oiseau, quatre personnages mal pris dans l’absurde du quotidien, notamment un type borgne qui joue dans le métro les dix premières mesures de La Polonaise d’Oginski. Et puis il y a Tania, propriétaire de l’appartement, qui revient dans son pays après dix ans d’un séjour dégradant à New York. Tania voudrait que la terre s’arrête pour descendre. Elle pense que, de retour dans sa chambre d’enfant, la noirceur de la vie disparaîtra. Mais Tania se trompe. Cet appartement qui fait naufrage sous nos yeux, ces personnages assis au bord d’un précipice et qui balancent pourtant rêveusement leurs pieds dans le vide, ce mythe de la nouvelle vie constamment mis à sac, tout cela, c’est la Russie d’aujourd’hui vue par Nicolaï Koliada, auteur, comédien et metteur en scène né en 1957 dans l’Oural. Attachée depuis de nombreuses années à explorer le théâtre russe contemporain, Lisa Wurmser s’est arrêtée sur cette écriture d’une drôlerie désespérée. Elle aime ces êtres empêchés qui accèdent à l’idéal par le langage, mêlant les élans superlatifs de leur âme à l’argot le plus éraillé, puisant dans les comptines d’enfants aussi bien que dans la plus haute littérature. La nostalgie de Tchekhov respire encore, le pouls de l’utopie soviétique bat toujours et l’orgueil du capitalisme souffle plus que jamais.