C’est l’histoire d’un pas de deux étourdissant entre fiction et réalité. Une troupe commence à répéter Jeu de rôles de Pirandello, et voilà que six personnages d’une autre pièce déboulent sur le plateau. Ils veulent vivre, c’est-à-dire rejouer leurs destins, mais l’auteur qui les a imaginés les a laissés en plan. S’ensuit un mic-mac, dans lequel n’est représentée ni la pièce des comédiens ni celle des personnages. Car on passe beaucoup de temps à s’expliquer ou à se disputer. Combat entre créature et acteur, palabres sur la nature de la fable, mise à nu des astuces de mise en scène, assignation du destin à comparaître: les effets d’illusion se multiplient pour enserrer étroitement le spectateur. Ecrite en 1921, Six personnages en quête d’auteur marque un tournant dans le théâtre moderne, jouant jusqu’à l’étourdissement du paradoxal «Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité». Cette idée d’une supériorité de la comédie sur la vie, de la primauté du personnage sur l’auteur intéresse Emmanuel Demarcy-Mota. Constat irréfutable: «Hamlet existe beaucoup plus que Shakespeare.»
Grandi dans le théâtre, Emmanuel Demarcy-Mota a monté très tôt une compagnie avec des camarades de lycée. Jeune chef d’une jeune troupe, il a traversé depuis Shakespeare, Büchner et Weiss, toujours en compagnonnage artistique avec François Regnault. Il plonge aujourd’hui dans Pirandello, dont il résume ainsi la catharsis: «Ne faites pas de votre vie un mauvais théâtre.»
