Les Etourdis sont des employés perdus dans les locaux de leur entreprise, de grands inquiets tyrannisés par leur chef de bureau, harcelés par leurs collègues de travail ou tout simplement paumés quand il s'agit d'envoyer un fax. Quel bonheur de retrouver dans cet univers bureaucratique impitoyable, les comédiens magnifiques de la Cour des grands, qui dispensent ici avec une ébouriffante drôlerie toute la maladresse de ces incompétents notoires. Les Deschamps dans toute leur splendeur fragile, musicale et burlesque.
A nos acteurs magnifiques "... Ils sont une espèce résistante, un nid de fragile dissidence, par innocence. Ils sont tout pleins de chagrins, d'amours, d'incertitudes, de rêveries, d'ennuis, de miracles inaccomplis. La tête leur tourne. Comme sur une piste d'autos tamponneuses. Ils se trompent fatalement d'adresse, de destination. Ils n'envoient pas ce qu'il faut là où il faut. Alors c'est miracle ou catastrophe, hasard ou embrouille. C'est selon. Les Etourdis n'ont aucune prise sur le monde, aucun savoir-faire, jusqu'à la casse, la déroute, vont à contresens. Avec eux tout s'inverse pour un rien, va de traviole. Peut-être ont-ils reçu un sort. Ce qu'ils cherchent reste introuvable, alors il leur vient de chanter, de danser par égarement. Ils ont un reste de vénération pour la technique, par entraînement, le goût du robot, de l'anglo-saxon, de l'électrique, des va-et-vient, de l'automatique ; ils ont le rêve de modernité comme solution désastreuse à leurs maladresses. Une élite de l'inachevé, qui s'embrouille, qui confond tout, parfois avec application et même avec plaisir. Les Etourdis sont des inquiets. Leur corps leur échappe et la chose qu'on oublie monte au ciel. Ils sont eux-mêmes tombés des nues. Des étourneaux. Les Etourdis sont des défaillants. Ils manquent. On les croirait en lévitation tellement ils sont dans le vertige. Entre imperfection et manquement, au risque de s'envoler, ils cherchent à aimer. La musique les soulève. Une utopie. Ils jubilent au moindre rythme, sont dansants pour un oui pour un non, c'est leur ivresse. La caravane, le scaphandre, le chat hargneux dans la corbeille à linge, le chien qui ne veut rien, le détecteur et les claques qui échappent, le dominant qui s'électrocute et perd sa chaise à roulettes, la mécanique du bureau rêvé, alerte et bascule, aire de pesage, clignotants et alarmes, les cartons sans font qui courent, les portes qui battent dans le vide. Le hasard comme un courant d'air, souvent, déplace tout. Les Etourdis basculent alors du côté de nos mauvais sentiments, par inadvertance. La méchanceté serait une maladresse. Et nous serions absous." Macha Makeïeff, notes de travail