Résistance et collaboration, révolte et soumission, répugnance et fascination sont inextricablement liées dans les intrigues de Pompée et de Sophonisbe. Dans La Mort de Pompée, Corneille traite de l’extrême ambivalence de la politique, du mélange des causes personnelles et du bien commun, de la perte inexorable des valeurs. Dans Sophonisbe, il montre des individus broyés par la grande machine de l’Histoire érigée en maîtresse absolue de ses sujets. Nous sommes loin des figures héroïques du Cid et de Polyeucte, comme de la Rome glorieuse et splendide représentée dans Horace et Cinna, loin de ces œuvres dans lesquelles la critique, puis la tradition scolaire, semblent avoir voulu enfermer tout le théâtre de Corneille.
Or, selon la metteure en scène Brigitte Jaques-Wajeman, il suffit de lire La Mort de Pompée et Sophonisbe, ces pièces qu’elle nomme «coloniales» (leurs actions se situent respectivement en Égypte et en Numidie, sous domination romaine), pour s’apercevoir que la langue y gagne en beauté, la fable en complexité et les caractères en profondeur. Elles sont aussi d’une actualité saisissante: l’angoisse de la menace terroriste domine dans la première, tandis que la seconde nous plonge dans une atmosphère de fin de monde qui nous renvoie, par un surprenant effet de miroir, à son état actuel.
date et horaires de l'intégrale:
samedi 02 novembre: Pompée à 15h et Sophonisbe à 19h30
Une rencontre avec Brigitte Jaques-Wajeman aura lieu le samedi 2 novembre de 13h à 14h30
tarifs spéciaux pour les deux spectacles: CHF 60.- / 40.- / 30.- (veuillez contacter directement la billetterie au 022 320 50 01)
Ce qui frappe, c’est l’ampleur du «théâtre romain» de Corneille (1606-1684) et son évolution: il y a un monde entre la Rome d’Horace (1640) et la Rome de Suréna (1674). Cette distance fait apparaître le cycle entier, pas moins de quinze pièces, comme la description d’un processus historique et politique où Rome, perdant jusqu’à son âme, finit par disparaître.
De 1969 à 1974, Brigitte Jaques-Wajeman a pour professeur Antoine Vitez et joue dans plusieurs de ses spectacles. En 1976, elle fonde la Compagnie Pandora avec François Regnault, puis dirige à ses côtés le Théâtre de la Commune d’Aubervilliers de 1991 à 1997. Avec Pompée et Sophonisbe, elle poursuit la série entamée par les mises en scène de deux autres pièces «coloniales» de Corneille, Nicomède (Théâtre de la Tempête, Paris, 2008) et Suréna (Théâtre de la Ville, Paris, 2011). À la Comédie, elle a présenté L’Illusion comique de Corneille en 2004.