Raquel André collectionne les amants comme d’autres les papillons.
Parce qu’avant de quitter le Boulevard des Philosophes et de déménager, nous voulons redécouvrir avec vous les deux petites salles de ce théâtre, et la grande aussi, dans des formes inédites, celles d’une génération d’artistes qui nous passionnent. Elles et il sont seuls en scène et prennent le risque de se mettre à nu !
Entretien avec Raquel André
Pourriez-vous décrire le dispositif que vous avez élaboré pour votre solo ?
Collection d’amants se passe en deux temps : d’abord je rencontre des inconnus dans un appartement étranger dans lequel nous devons prendre au moins une photo qui témoigne d’une certaine intimité. À l’heure actuelle (mars 2018) j’ai collecté 153 amants. Dans un deuxième temps, je présente la Collection, que ce soit dans un spectacle de théâtre, un livre, une émission télé, une conférence ou une exposition.
Dans le format théâtral il m’est impossible de présenter toute ma collection d’amants. J’ai donc créé une manière de raconter par « montage ». En montrant ces archives photographiques, j’explore quelques questions concernant l’intimité, ce qu’elle devrait ou pourrait être, ce qui dans ces moments est vrai ou ce qui relève de la fiction. La question au fond étant : « Qu’attendons-nous l’un de l’autre ? »
Pourquoi avez-vous choisi la forme du solo ?
Ce n’est pas vraiment un choix. Au moment de la rencontre avec les amants, il n’y a qu’eux et moi, seuls. Cette collection est donc intimement liée à moi, à la façon dont le souvenir des amants s’imprime en moi.
Les photos servent à organiser cette mémoire. Pendant le spectacle, elles ont leurs propres places, leurs propres voix, mais tout ce qui se situe entre les images, avant ou après l’instant où elles ont été prises, est un espace que je suis seule à pouvoir occuper puisque je suis la seule à en avoir fait véritablement l’expérience.
Le solo relève-t-il pour vous du monologue ? Du soliloque ? Ou est-ce au contraire une parole adressée à l’Autre, à un autre ou au plus grand nombre ?
Cette collection porte sur les relations, sur des situations communes à beaucoup de gens et sur d’autres plus particulières à certains. Mon propos est intimiste, il traite certainement de la solitude et aussi des bruits du monde, mais je ne cherche aucune réponse concrète.
Propos recueillis par Arielle Meyer MacLeod