Journal

Étienne Saglio est un magicien

Regards de la dramaturge

Par Arielle Meyer MacLeod

Étienne Saglio est un magicien. Mais pas un de ces magiciens qui font sortir des lapins de leur chapeau, non, Étienne Saglio est un des précurseurs de ce courant qu’on appelle "la magie nouvelle" qui donne à cette discipline un souffle nouveau.

© Prisma Laval

Les magiciens nouveaux ont fait disparaître d'un coup de baguette le traditionnel show dans lequel se succèdent des tours de magie pour développer une dimension plus artistique – et philosophique pourrait-on dire – de leur savoir-faire.  

La magie est loin de n’être qu’un divertissement. Elle est présente dans les fables et les mythes qui nous ont façonnés, dans les rituels ancestraux ou simplement dans notre pensée, la pensée magique, qui nous permet de rêver un monde meilleur. La magie est un seuil vers l'invisible, une façon de faire exister ce qui n'est pas. Elle modifie notre perception de la réalité en ouvrant vers l'impossible. Animer l'inanimé, matérialiser ou suggérer l'irréel, modifier nos perceptions de l'espace, créer le vertige et le doute, c'est avec ce "sentiment magique" que propose de renouer Étienne Saglio, en l'intégrant dans un récit pour en ouvrir le sens.

Deux mondes s’opposent dans le récit que propose Étienne Saglio, le Monde Ordinaire et le Monde Enchanté, des mondes dans lesquels la magie est à la fois élément perturbateur et déclencheur de rêve.

Le Monde Ordinaire est une boîte blanche aux lignes de fuite en damier dessinées au sol. Un univers froid, sans âme, impersonnel, peu accueillant, dans lequel trônent deux plantes en pots. Dans ce monde-là, on balaye des feuilles tombées d'un arbre malingre, mais plus on balaye et plus il y a de feuilles. Dans ce monde-là les plantes en pots se rebellent. Dans ce monde-là, la magie crée des situations inconfortables et sisyphéennes, qui en révèlent l'absurdité.

Au verso de ce Monde Ordinaire apparaît un Monde Enchanté et enchanteur, une forêt peuplée d'animaux vrais ou faux, de corps à différentes échelles, de plantes animées, un géant et une belette drôlatique orchestrant le tout – presqu'une vision idéalisée de la nature, dans laquelle le loup est un grand gentil, et l'ogre végétarien. Un univers bien plus enchanté que les contes de notre enfance dont on aperçoit les figures – le petit chaperon rouge, Jacques et le haricot magique – parce que le mal semble en être absent. Et ça, c'est magique.