C’est l’histoire d’un comédien qui raconte son histoire. Forcément, comme il est comédien, il ne dit pas tout. Et ce qu’il dit, il l’emprunte aux grands auteurs, dans un exercice de ventriloquie virtuose. Duras, Maïakovski, Claudel, Rimbaud, Godard, Molière, Baudelaire, Jouvet, Brasseur, Dumas et d’autres monstres parlent par sa voix. Directeur du théâtre de Nice, ancien prix d’excellence du conservatoire (distinction rarissime), tour à tour Cyrano, dom Juan ou Alceste, Jacques Weber renonce ici aux personnages pour n’incarner que des textes, pour donner chair aux mots. Manière de culbuter le spectateur par le seul génie de la langue. Ce que cherche Jacques Weber en se présentant ainsi «la voix brute et à mains nues», seul sur un plateau? «Un silence tout neuf», suivi d’«un vrai moment de vrai». Quelque chose d’inouï, de non-ressenti à la fois dans le rapport aux poètes et dans le rapport aux spectateurs. Voilà donc ce remarquable acteur arpentant les délices et les affres de l’être au monde, aspirant l’univers entier et ses contradictions, ses délires et ses monotonies, plaisir et tragédie, dérision ou affliction.