De l’eau coule sur la scène, inexorable, boueuse et sale comme une maladie qui s’insinue dans les corps et les esprits, distillant ses vapeurs toxiques. Ce sont les eaux des bains thermaux de la ville, dont le docteur Stockmann découvre qu’elles sont polluées. Lanceur d’alerte avant l’heure, il se met la ville à dos et devient « l’ennemi du peuple ».
Liberté de pensée contre opinion publique, courage individuel contre raison d’État, santé publique contre prospérité économique : comme toujours dans le théâtre d’Ibsen, principes et vérités s’entrechoquent.
ERIC DEVANTHÉRY
Né en 1974 à Genève, il se forme à l’ESAD et à l’Université de Genève en français moderne, philosophie et anglais. Trilingue français, allemand, anglais, il aime défier les chefs-d’œuvre de la littérature et se démarque par ses impressionnantes adaptations de monuments tels que Les Brigands de Schiller dont il signe également la traduction, ou encore celle des Misérables de Victor Hugo. Démesure toujours pour Shakespeare vingt-trois avril mille-six-cent-seize, une performance théâtrale inspirée des pièces de Shakespeare qu’il conçoit pour 40 comédiennes et comédiens et 40 spectateurs et spectatrices.
Éric Devanthéry n’aime pas le théâtre tiède. Il pousse l’acteur vers une incarnation qui témoigne de son immersion totale dans la fable théâtrale. Ses choix se portent donc sur des pièces qui mettent en jeu l’éthique, la conscience sociale et une forme d’idéalisme. En témoignent, pour n’en citer que quelques-unes, ses mises en scène de Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen, Léonce et Léna de Büchner dans sa propre traduction, L’Homme qui rit courageusement adapté du roman de Victor Hugo, Soudain l’été dernier de Tennessee Williams ou encore Hamlet de Shakespeare dans sa propre traduction également.
Ses spectacles ont investi de nombreux théâtres genevois, tels que Pitoëff, le POCHE /GVE, l’Alchimic, l’Alhambra, l’Orangerie, le Grütli. Certains ont franchi la barrière de la Sarrine pour tourner en Suisse allemande.
Au-delà de nos frontières, il a dirigé deux masterclasses ouvertes aux metteurs et metteuses en scène autour de la pièce Monsieur Bonhomme et les incendiaires de Max Frisch à Osaka et Tokyo.
Quelques dates-clés :
2002 : assistant de Thomas Ostermeier à la Schaubühne de Berlin.
2005-2008 : enseigne le théâtre à l’Université de Genève.
2015-2018 : direction du Théâtre Pitoëff de Genève.
2016 : cofondation du TAMCO, théâtre d’art moderne et contemporain à Genève.
2019 : sélection de son adaptation des Misérables de Victor Hugo aux Schweizer Theatertreffen.
HENRIK IBSEN
L’auteur et dramaturge norvégien vient au monde en 1828 dans un foyer que la faillite paternelle fait voler en éclats. Le père sombre dans l’alcoolisme, la mère dans le mysticisme protestant. Henrik écrit la nuit et gagne sa pitance comme apprenti préparateur en pharmacie tout en poursuivant poussivement des études de médecine, qu’il abandonnera rapidement. En 1851, le violoniste Ole Bull, fondateur du Norske Theater de Bergen, propose au jeune écrivain d’en devenir le directeur artistique. En 1857, c’est à la direction artistique du Théâtre National d’Oslo, anciennement Christiana, qu’il se retrouve. Ses drames historiques, imbibés de romantisme et de mythologie nordique, ne plaisent pas. À la frustration artistique s’ajoute la déception politique, puisque la Norvège et la Suède abandonnent le Danemark face à l'armée prussienne. Il part donc pour l'Italie et l'Allemagne et ne reviendra définitivement en Norvège que 27 ans plus tard.
Cet exil volontaire lui donne un coup de fouet artistique. S’affranchissant de ses tendances romantiques, il écrit des drames philosophiques comme Brand (1866), considéré comme une tragédie de l’idéalisme, puis Peer Gynt (1867), un drame initiatique. La reconnaissance internationale lui assure enfin une sécurité financière. S'ouvre alors la troisième période de son écriture dramatique, plus psychologique et plus moderne. Une maison de poupée (1879) aborde la place de la femme dans la société, Les Revenants déclenche d'intenses polémiques. En 1883, Un ennemi du peuple confronte le public aux questions environnementales et politiques avec radicalité. Dans Le Canard sauvage (1884) comme dans Hedda Gabler (1890), il invente des êtres pulsionnels frappés par l'hérédité et la culpabilité.
Suivent Rosmersholm (1886), souvent considéré comme son chef-d’œuvre, et La Dame de la mer (1888). De retour en Norvège, il écrit deux portraits de conquérants précipités dans la mort : Solness le constructeur (1892) et John-Gabriel Borkman (1896).
Quelques dates-clés :
1850 : publication sous pseudonyme de sa première pièce Catilina, à compte d’auteur. Dans la foulée, il épouse Suzannah Thoresen et devient père.
1864 : départ pour l’étranger (Rome, Dresde, Munich)
1866 : premier succès avec Brand
1879 : Ibsen accède à la reconnaissance internationale avec la publication d’Une maison de poupée
1891 : retour en Norvège .
1900 : frappé d’apoplexie, il cesse d’écrire.
1906 : à sa mort, la Norvège lui organise des funérailles nationales.