D’après le film de Frederick Wiseman
Welfare, c’est d’abord un film tourné par Frederick Wiseman, Oscar d’honneur et Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. Un documentaire réalisé en 1973 dans un centre d’aide sociale à New York où se croisent les destins de femmes et d’hommes aux vies cabossées, héros marginaux auxquels Julie Deliquet veut donner une voix sur les planches d’aujourd’hui. Welfare immigre alors au théâtre, pour devenir un spectacle-monde, intemporel, universel, tragi-comique et populaire.
Sur scène, un gymnase d’école des années 1970, abri éphémère d’une permanence d’urgence d’un centre d’aide sociale pour les sans-abris et les plus démunis, comme un sas entre intérieur et extérieur, entre vie privée, vie familiale et vie sociale, entre le vrai et le faux, entre le témoignage et l’imaginaire.
« Frederick Wiseman, célébrissime documentariste, fréquente beaucoup le théâtre et a toujours pensé que Welfare, encore plus que ses autres films, avait une très forte dimension théâtrale. Il demande à Julie Deliquet de l’adapter après avoir vu un de ses spectacles. La metteuse en scène regarde ce film culte avant le confinement, n'y voit "que fiction" et un système social proprement américain, un film en noir et blanc réalisé avant sa naissance, alors qu’il s’agit d’un documentaire. Et puis, elle se rend compte que ce film l’autorise à parler de nous, ici, aujourd’hui. Comme le tissage entre cinéma et théâtre nous fascine depuis toujours, nous sommes heureux de découvrir avec vous ce que cette rencontre produira sur scène. » NKDM
JULIE DELIQUET
Née en juin 80, Julie Deliquet se forme en études du cinéma, ainsi qu’au Conservatoire de Montpellier, à l’École du Studio Théâtre d’Asnières puis à l’École de théâtre Jacques Lecoq. Elle porte ses deux amours – le théâtre et le cinéma – avec une vision positive, lumineuse et républicaine. Elle démarre le théâtre dans des garages avec des formes tous terrains. La jeune metteure en scène défend la dimension artisanale de sa pratique et insuffle une générosité équivalente dans ses créations et dans la direction du Théâtre Gérard Philipe (TGP) de Saint-Denis dont elle a pris les rênes en plein Covid. Elle aime investir la matière des autres et lui donner une nouvelle vie, qu’il s’agisse de films, de pièces ou de romans, dont elle élabore une nouvelle ossature pour en faire des spectacles.
Quelques dates-clés :
2009 : fondation du collectif In Vitro. Prix du public au concours Jeunes metteurs en scène du Théâtre 13 avec Derniers Remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce.
2011 : création de La Noce de Bertolt Brecht.
2013 : création collective de Nous sommes seuls maintenant.
2015 : création de Gabriel(le) pour le projet « Adolescence et territoire(s) » à l’initiative de l’Odéon puis création de Catherine et Christian (fin de partie) au Théâtre Gérard Philipe (TGP) de Saint-Denis dans le cadre du Festival d’Automne 2015.
2016 : création de Vania d’après Oncle Vania d’Anton Tchekhov à la Comédie-Française.
2019 : création de Fanny et Alexandre d’Ingmar Bergman à la Comédie-Française, puis création de Un conte de Noël d’Arnaud Desplechin à la Comédie de Saint-Étienne.
2020 : Direction du Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis. Création en écriture de plateau du ciel bascule avec les élèves de la promotion 29 de l’École supérieure d’art dramatique de la Comédie de Saint-Étienne, dont elle est marraine.
2021 : création de Huit heures ne font pas un jour de Rainer Werner Fassbinder au TGP de Saint-Denis.
2022 : co-mise en scène de Fille(s) de aux côtés de Lorraine de Sagazan, Leïla Anis et les actrices du collectif In Vitro, puis création de Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres... d’après Molière avec la troupe de la Comédie-Française à la salle Richelieu.
FREDERICK WISEMAN
Depuis le milieu des années 60, le réalisateur américain explore l’identité plurielle des États-Unis et de ses institutions. En baladant sa caméra dans les écoles, les prisons, les supermarchés, les hôpitaux, les commissariats, il dresse un portrait social critique et scrute comment la violence s’immisce dans les rapports humains, notamment à travers la thématique de la guerre et des conflits familiaux. Pour Wiseman, le documentaire est une façon de regarder le monde. « J’aime regarder les gens et réfléchir à ce que je vois. Tout est fiction dans le documentaire. Je suis un auteur de forme. Quand j’ai trouvé la forme, le film est fini ». Ouvert aux surprises que réserve le réel, il ne fige jamais son sujet avant le montage. Il n’utilise d'ailleurs ni commentaire ni voix-off et privilégie les temps longs et les plans-séquences. Nombre de ses travaux sont diffusés en Europe, notamment Near Death, un documentaire sur le service de soins intensifs dans un hôpital de Boston. Dès 1980, il travaille beaucoup à l'étranger. À Paris, il ausculte successivement les coulisses de la Comédie-Française (1996), de l'Opéra (2008), du Crazy-Horse (2010). Wiseman a remporté un Oscar d’honneur et un Lion d’Or pour récompenser l’ensemble de sa carrière.
Quelques dates-clés :
1966 : avec des amis il fonde une association d'aide sociale, l'Organisation for Social and Technical Innovation (OSTI) dont l'activité se prolongera jusqu'en 1973.
1967 : son premier documentaire Titicut Follies porte un regard critique sur un hôpital pour aliénés criminels.
1973 : réalisation du documentaire Welfare.
Années 80 : il traite de l'influence de la société de consommation américaine dans le monde avec Model (1980) et The Store (1983).
1987 : réalisation du documentaire Missile.
2001 : réalisation du documentaire Domestic Violence.
2002 : réalisation de son premier film de fiction, La Dernière Lettre. Monologue inspiré du roman Vie et destin de Vassili Grossman, à partir d’une lettre écrite en 1941 à son fils par une mère juive vivant dans un ghetto en Ukraine.
2011 : réalisation du documentaire Boxing Gym.
2022 : il revient à la fiction avec Un couple, monologue inspiré des Mémoires de Sophie Tolstoï et de sa correspondance avec son époux, le romancier russe Léon Tolstoï.