Julien Gosselin
Petit, Julien Gosselin aimait taper dans le ballon rond. Aujourd’hui, sa « seule ambition est de parler du monde sans passer par la métaphore ». Raconter des histoires, en soi, ne l’intéresse pas. Formé à l’EPSAD, École supérieure d’art dramatique de Lille dirigée par Stuart Seide, sa carrière explose avec Les Particules élémentaires, adaptation pour la scène du roman de Michel Houellebecq. Dès lors, il se consacre à l’exploration du « rapport physique et direct à la littérature » pour convoquer « cette sensation-là chez le spectateur, mais à des niveaux d’intensité plus élevés ». Il associe le théâtre à la musique et à la vidéo live, pour porter à la scène des écritures sur lesquelles il jette son dévolu avec une créativité hors-norme.
Quelques étapes-clés :
- Création du collectif « Si vous pouviez lécher mon cœur » (2009) : constitué de Julien Gosselin Guillaume Bachelé, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Alexandre Lecroc, Victoria Quesnel, et Tiphaine Raffier. Nom de baptême copié-collé d’une phrase de Stuart Seide : « Si vous pouviez lécher mon cœur, vous mourriez empoisonné » ; citation empruntée au film Shoah de Claude Lanzmann. Ce nom marque aussi l’envie d’un théâtre documentaire, en prise directe avec le réel.
- Les Particules élémentaires (2013). À peine âgé de 26 ans, le jeune metteur en scène signe une adaptation phénoménale de 2h45 du roman de Houellebecq. Dans le parallélisme et les croisements des parcours de deux demi-frères, l’auteur dégomme Mai 68, démontre la corrélation entre capitalisme et misère sexuelle et prédit le déclin de l’Occident. De tous nos espoirs, l’auteur fait tabula rasa, rien que ça. Julien Gosselin a sondé profondément l’œuvre dont il extirpe l’implacable lucidité et le cynisme mais aussi le potentiel émotionnel bouleversant.
- 2666 (2016). Quelques années après les 300 pages de Houellebecq, le metteur en scène s’attaque aux 1300 pages du roman de Roberto Bolano. Impossible n’est pas Gosselin. Il livre 12 heures de spectacle, plus trépidantes les unes que les autres.
- Joueurs, Mao II, Les Noms, Le Marteau et la Faucille (2018-2019). Le metteur en scène part à l’assaut de l’œuvre de l’auteur américain Don Delillo dont il transpose l’univers romanesque sur scène, contribuant à la découverte d’une pensée contemporaine tout aussi poétique qu’elle est politique.
À partir de 2022, Julien Gosselin sera artiste associé à la Volksbühne de Berlin. En 2023, il s’installera avec le collectif « Si vous pouviez lécher mon cœur » à Calais.
Léonid Andreev
Adolescent, Léonid s’allonge sur des rails juste avant le passage d’un train. Cet acte n’est pas celui d’un fou mais – à l’image de sa vie et de son œuvre – d’un homme appelé par l’exploration des limites les plus extrêmes. Par la suite, il fera plusieurs tentatives de suicide et meurt en 1919, d’une insuffisance cardiaque engendrée par cette frayeur enfantine.
Orphelin de père, il devient avocat, puis chroniqueur pour subvenir aux besoins de sa famille. Repéré par Maxime Gorki au début de l’année 1900, les deux hommes développent une amitié aussi fulgurante qu’intense, puisqu’ils se brouillent dès 1907. Son œuvre littéraire protéiforme nous laisse une centaine de récits et de nouvelles auxquels s’ajoutent une quarantaine de pièces. Chaque parution propose un renouvellement formel tel que pleuvent succès, scandales et polémique sur sa prose.
Méconnu aujourd’hui, il a pourtant révolutionné le théâtre russe à l’époque. Ses pièces jouées dans les plus grands théâtres de Russie et montées par les metteurs en scène les plus avant-gardistes, tels que Meyerhold et Stanislavski, sont aujourd’hui encore difficiles à trouver dans son pays natal. Après avoir, en 1905, soutenu un changement de régime, il s’éloignera progressivement des cercles bolchéviques, rejettera le coup d’État d’octobre 1917 et mourra exilé. Depuis, l’œuvre est bannie au même titre que l’homme. Cachée dans les archives de l’ex-Union soviétique, elle mettra longtemps à nous parvenir.
Léonid Andreev pratiquait également la photographie. Ses albums d’images sont régulièrement réédités.
Quelques œuvres-clés :
- Le Mur (1901). Fable symbolique. Lépreux et affamés se retrouvent aculés au pied d’un mur infranchissable qui leur interdit l’accès à une vie heureuse. Dans cette fable symbolique, les malheureux représentent l’humanité en quête de bonheur et de liberté.
- Le Rire rouge (1904). Manifeste pacifiste contre les atrocités de la guerre russo-japonaise.
La liste exhaustive serait trop longue mais les titres assez beaux pour en partager quelques-uns : La Vie d’un homme, Les Sept pendus, La Pensée, La Neige et la nuit, Vers les étoiles, Le Mensonge, Les Destins d’un écrivain russe, En attendant le train.