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S'élancer

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Focus sur les jeunes artistes

Avec le Focus S'élancer, la Comédie de Genève vous propose de découvrir de jeunes talents lors d’un temps fort composé de trois spectacles aux esthétiques et thématiques aussi différentes : The Game of Nibelungen, Monster Truckiller et Ça tombera pas plus bas, à l'affiche de la Comédie du 9 au 27 janvier 2024.

Il faut un certain courage pour se lancer dans le métier d’artiste. Une envie d’en découdre avec le monde autant qu’avec ses propres démons est nécessaire, voire indispensable. Le trac ne vous prend pas seulement au moment de monter sur scène, il est aussi là, sous forme d’adrénaline, d’anxiété, d’énergie ou de doute, tout au long du processus de création. S’élancer sur les routes des arts vivants, c’est savoir que le chemin sera parsemé d’embûches : la case chômage comme passage presque obligé, les projets refusés par les théâtres, critiqués par la presse, les budgets ponctionnés, les invitations laissées lettres mortes... S’élancer, c’est affronter la grisaille d’une semaine de pluie, en espérant l’arrivée prochaine d’une éclaircie, offerte par l’aboutissement d’un projet artistique. Et quand une lumière douce ou crue vient rompre l’obscurité dans laquelle est plongée la salle de spectacle, quand les premiers sons ou paroles viennent couvrir les murmures impatients du public, alors enfin le chemin parcouru prend tout son sens.

S’élancer, trouver l’élan, la force d’y aller, le courage de se projeter, c’est faire ce pari là : celui d’une rencontre avec le public touché au cœur, au ventre ou à la tête, remué en profondeur par une proposition artistique originale.

Gravir la pente

La Comédie se positionne en soutien aux créatrices et créateurs qui débutent. Elle est une maison ressource, qui se donne pour tâche d’accompagner les artistes de demain vers d’autres cimes, de les soutenir dans leur élan.

Avec ce focus, la Comédie a voulu valoriser trois jeunes compagnies romandes repérées, de celles qui gravissent peu à peu la pente du succès. Leurs spectacles étonnants disent la richesse et les promesses de la création d’aujourd’hui, qui est déjà celle de demain. 

Trois spectacles, trois mondes. Trois manières de raconter aujourd’hui.

Laura Gambarini a, dans The Game of Nibelungen une aisance, un rapport au public ultra direct, une manière d’accrocher immédiatement. Autant de qualités acquises en jouant dans la rue, pour une narration dont l’apparent minimalisme est d’une infinie richesse.  

La Cie You should meet my cousins from Tchernobyl propose, dans Monster Truckiller un langage scénique en adéquation parfaite avec les personnages, une manière assez unique et bluffante d’incarner avec étrangeté une certaine jeunesse d’aujourd’hui. Le nom de la compagnie est un assez bon indicateur de leur humour et de leur univers…

Un vrai duo scénique drolatique anime Ça tombera pas plus bas, dans un genre presque classique. Les deux jeunes artistes de la Cie Alors voilà s’emparent de paroles de quidams (nous toutes et tous, par extension) qu’elles jouent à la virgule près. C’est drôle, drôlement vrai et troublant, aussi.

Des affinités communes

Chacune de ces trois propositions est unique et mérite qu’on s’y attarde plus longuement, qu’on aille à sa rencontre. Mais au-delà de leurs spécificités indubitables, elles ont aussi des lignes de force, des points communs qui méritent d’être soulignés. D’abord, les trois compagnies témoignent d’une même volonté de créer avec peu de moyens : quelques objets et éléments de décor suffisent à leur univers scénique et artistique. Il y a là une envie de faire avec peu – ou de faire avec moins – un choix qui s’affirme comme politique, éthique et/ou esthétique.

Un autre trait rapproche ces trois spectacles, ces trois compagnies : elles partagent un vrai sens de l’humour et, plus encore, de l’autodérision. Tant The Game of Nibelungen que Monster Truckiller ou Ça tombera pas plus bas nous font rire. Parfois aux éclats, parfois aux larmes, parfois jaune, parfois amèrement, parfois franchement, dans sa barbe ou sous cape, mais on rit. On se gausse même. Un humour qui déconnecte, qui réconforte, un humour qui démontre la faculté de cette génération à faire un pas de côté, à ne pas trop se prendre au sérieux, à déplacer le regard pour déjouer les clichés.

De l’humour, donc, mais de l’humour farci d’empathie, comme une envie d’aller vers l’autre, de se mettre à l’écoute, pour mieux se confronter à demain. Comme une invitation à rire avec sensibilité et intelligence.