Journal

Rébecca Balestra en poésie

Regards de la dramaturge

De Arielle Meyer MacLeod

Rébecca Balestra entre en poésie comme elle entre en scène, avec un ton et une allure qui n’appartiennent qu’à elle, entre panache et gouaille. Dans Olympia, elle dit ses propres textes. Des textes qui sont autant de récits déroulant une galerie de personnages, des héros de la loose, magnifiques à force d’être perdus dans un monde trop grand pour eux. Rébecca poétise le monde avec un vocabulaire cru et des images entre l’infra-ordinaire et l’émotion brute.

Je lui ai demandé de nous parler de ses textes, mais aussi de ce titre Olympia ; du contraste justement entre ces textes du quotidien et l’Olympia, comment ça frotte entre le trivial et le glam. Je lui ai demandé de nous dire comment elle dit ses textes sur scène, et surtout de nous parler de cette femme en fourreau lamé qui monte sur scène pour ce « tour de poésie » comme elle l’appelle. Qui est-elle, cette femme-sirène qui emprunte à Dalida et La Callas ?

Arielle Meyer MacLeod

Photo : © Magali Dougados

Rébecca Balestra

"Dans mon écriture, j’essaie de trouver de la beauté aux choses les plus prosaïques, de m’intéresser à « la fragile beauté présente au sein de la laideur des choses », comme disait Marguerite Duras.

Sur le modèle des chansons de variété qui ont traversé le temps (Je suis malade, Comme d’habitude) et de poètes qui ont marqué ma vie comme Paul Éluard, j’ai souhaité écrire des paroles qui parleraient aux cœurs brisés. Ces paroles sont devenues des poèmes : Olympia en compile onze, accompagnés par un grand piano et une musique orchestrale. Ce cadre de récital sophistiqué est en décalage avec la trivialité des textes : j’invoque la Migros et les filets de perches en robe caftan rouge. Ce décalage est toujours présent dans mon travail, mon jeu et mes textes, mais surtout dans ce que je suis, dans ma façon d’être au monde : décalée. 

Olympia est donc un spectacle de poésie, une poésie qui magnifie le quotidien, le met sur le devant de la scène, le sublime, le rend drôle, beau et tragique à la fois. Ces petites choses quotidiennes, qui en fait sont énormes, deviennent ici grandioses parce que c'est tout ce qu'on a, c'est tout ce qu'on connait et c'est tout ce qui compte puisque ça nous rassemble.

Ces récits de la vie, je souhaite les faire monter en puissance dramatique et esthétique par l'écriture, par l'interprétation, par la création lumière et musicale, afin de leur donner toute leur place.

Ma façon de dire les textes va au plus simple, au plus brut, sans surinterprétation, parce que je souhaite laisser les mots, le pouvoir des mots, agir sur l’imaginaire du spectateur, à la manière du jeu des tg Stan, pour qui dire c’est être. Dire ces textes, pour moi, c’est donner à voir et à ressentir les personnages présents dans les onze récits : des femmes, des hommes, mais parfois le genre change en cours de poème, le sexe n’a pas vraiment d’importance. 

Dalida, Callas, Mina, Marlène Dietrich, je suis pétrie de ces femmes, de leurs chansons à textes, de leurs vies tragiques, de leurs tenues et coiffures incroyables, j’ai grandi avec ces icônes. Olympia est un hommage à ces déesses scéniques, avec les robes magnifiques et l’atmosphère sublime et surannée, la noirceur des textes ; mais la personne sur la scène c’est bien moi : Rébecca Balestra, autrice et interprète. 

J’ai grandi dans un milieu populaire où il y avait des «Gérard » et des mites dans la farine, c’est un hommage à cette vie-là aussi. Le public est constitué de gens qui viennent écouter cette vie, leur vie, celle de leurs proches, il est présent dans mes textes, sur cette grande scène où il doit pouvoir se projeter. Raison pour laquelle j’ai choisi un espace blanc, qui invite au rêve, à la page blanche où s’écrivent les mots.

Je suis dans une salle de spectacle, dans un rêve, dans la nuit. Une nuit dans la noirceur de nos regrets, de nos désirs, de nos sentiments, une nuit qu’on traverserait jusqu’au bout afin d’y voir plus clair, comme quand les yeux s’habituent au noir. Quand commence le spectacle, l’ambiance est nocturne, lunaire ; puis l'aube survient ; puis le jour (solaire) au grand final, pour accompagner l'effet cathartique des textes.  

Le titre, Olympia, je l’ai choisi parce que je trouve que ce mot est beau et qu’il évoque beaucoup de choses : la grande scène, l’émotion, le spectacle, mais aussi l’Olympe, les dieux, la mort, la nuit, le jour, l’éternité. Olympia un beau mot plein d'évocations, le titre d'un spectacle de poésie avant tout. Un tour de poésie." 

 

Et le noir qui se teinte multicolore à voir des méduses
Des yeux d’artifices d’apothéose 

Or, vert et rouge dans la nuit du ciel
Effet de premier août, d’un soir de Noël
Pis d’un coup tout est blank comme un sommet
Avalanche de blanc partout, à l’infini, à couper le sifflet
Un Olympe de toute beauté
Une nuit éblouissante qui en même temps serait
Le jour 

 

Dernier texte du spectacle Olympia, Rébecca Balestra