Journal
En préparation —  Création du 18 au 28 janvier 2024 à la Comédie de Genève 

Rêve d'automne

Jon Fosse / Denis Maillefer

« Cela paraît comme une lapalissade. Je voudrais (re)trouver la joie et l’infinie difficulté de mettre en scène une personne qui parle à une autre, sur une scène, une grande scène. Dans une fiction écrite. La joie et la difficulté d’une parole qui voyage d’une actrice à un acteur et qui fait un détour si important et si vital par la salle (le public) sans qui rien n’existe. Avec ces mots en apparence simples de Jon Fosse. Ces mots si écrits et si parlés. Un homme retrouve une femme, une femme retrouve (ou cherche) un homme, dans un lieu d’adieu plutôt que de retrouvailles, un cimetière.

On ne saura jamais si tout cela est un rêve, si tout cela s’est passé il y a longtemps et que les protagonistes de cette histoire sont précisément des « habitants » de ce cimetière. C’est absolument concret (comme on aime dire au théâtre), et aussi possiblement infiniment onirique.

Et au cœur il y a le désir, qui n’est pas onirique du tout, le désir de se rapprocher, le désir de se toucher, le désir du désir, le désir tout court. Et c’est un mot de tout le théâtre, le désir de dire cela maintenant, pour un metteur en scène (moi), et pour les actrices et les acteurs en général. Nous sommes joliment condamnés au désir.

Et donc je voudrais qu’il y ait beaucoup de corps. C’est un théâtre de texte, avec un texte, mais il nécessite d’empoigner les mots de tout son corps, vraiment. Je voudrais que ce soit très physique, qu’il y ait alors une matérialité de ces mots. Je voudrais que les mots cognent, que nous nous cognions aux mots, que nous les attrapions à bras-le-corps, qu’ils traversent toutes les veines et tous les pores et tous les muscles des actrices et des acteurs. Et donc je voudrais tenter de jouer sans micro et sans murmure, moi qui ai tant aimé, et depuis si longtemps, les micros et les murmures. Je voudrais que la parole voyage fort sur ce grand plateau, qu’elle souffle comme un vent d’Islande. Je voudrais que cela sonne comme de l’eau vive (!).

Alors oui il y aura un cimetière. Une idée de cimetière. Des tombes alignées comme autant de blocs possiblement lumineux dans la nuit, comme des caissons de lumière, comme une installation épurée dans un musée. Des caissons sur lesquels on peut voir des reflets de pluie ou de mer, et peut-être même les visages des protagonistes. C’est un lieu d’éternité, qui confère à tout ce qui s’y dit une sorte de cérémonial, quand bien même la parole est charnelle, habitée, directe, impatiente.

Oui, il y a une impatience à dire absolument maintenant, ici, vite, fort. Comme si le lieu nous/leur rappelait en permanence que la vie passe, comme on dit, et qu’il fallait absolument utiliser les minutes et les secondes car la mort galope et ne se fatigue pas. Chaque mot pourrait être le dernier et devrait être dit dans cette urgence et cet absolu aussi. Car es personnages sont un peu « trop ». Trop intenses, trop intègres, trop habités, trop vibrants d’un désir qui déborde mais est contenu par les mots (comme dans Racine tiens, mais d’une toute autre manière bien sûr).

C’est un cérémonial âpre et apaisant au cœur de l’automne. Je voudrais qu’ils et elles ne soient pas totalement réalistes (le texte ne l’est pas), et que cependant nous puissions, dans la salle, nous sentir proches de leurs pulsions et de leurs fragilités. Des frères, des sœurs, des proches, non loin de nous, et aussi si loin, dans leur monde.

Ils et elles ont tant de mal à dire, et cette difficulté me touche absolument. Chercher la transparence, à chaque instant, et c’est difficile, et il y a la honte de dire, et la difficulté, et l’impossibilité, les barrières, les convenances, la famille, ce qu’on doit aux parents (qui sont de plus présents physiquement dans la pièce), ou ce qu’on croit leur devoir. Une culture du Nord, protestante, que je connais bien, et elle est aussi forte que le désir de s’en affranchir. Parmi toutes les luttes qui sont au cœur de ce rêve automnal, il y a cette lutte, non dite mais non moins importante.

C’est un texte de corps et de frisson. Je voudrais faire un spectacle dont on puisse ressentir cela, immédiatement, absolument.»

Denis Maillefer, janvier 2023

 

Texte Jon Fosse
Mise en scène Denis Maillefer
Scénographie et lumière Laurent Junod
Équipe de collaborateurs artistiques (distribution en cours)

Avec Isabelle Caillat, Marie-Madeleine Pasquier, Roland Vouilloz (5 interprètes, distribution en cours)

Production Comédie de Genève
Coproduction (en cours)

 

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Julie Bordez, direction de la production : 
jbordez@comedie.ch / + 33 674 80 07 42

Emmanuelle Ossena, diffusion : 
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